Nous célébrons, cette année, le cinquantenaire de l'élection de G. POMPIDOU à la Présidence de la République. C'est une commémoration nationale, placée sous le haut patronage d'Emmanuel MACRON. Sous l'égide de l'Institut POMPIDOU, elle donne lieu à différentes manifestations. Je citerai, entre autres :
- Le 29 mai 2018, conférence d'Edouard BALLADUR : "Le pouvoir et les institutions face aux évènements de mai-juin 1968". Un rappel du rôle de G. POMPIDOU, alors 1 er ministre, qui tint ferme la barre.
- Les 20 et 21 juin 2019, grand colloque au Centre POMPIDOU : "Avec G. POMPIDOU, penser la France : héritage et perspectives".
Les Auvergnats de Paris et la Veillée d'Auvergne y ont largement contribué :
- Le 9 août 2018, nous étions au musée POMPIDOU à Montboudif pour honorer notre prestigieux compatriote cantalien. Présidant cette journée, je rendis un hommage très personnel à G. POMPIDOU rappelant notamment son action dans le domaine spatial :
1965 : premier satellite lancé par une fusée française; la France devient la 3 ème puissance spatiale
1964-1971 : construction du Centre Spatial Guyanais (C.S.G.) à Kourou, port spatial de l'Europe.
1973 : développement de la fusée Ariane
Ayant eu la chance exceptionnelle de me voir confier la mission de construire et organiser le C.S.G., j'ai eu l'honneur de narrer cette aventure lors du colloque des pionniers du spatial organisé au CNES en décembre 2018.
- Récemment, le 20 mai 2019, la Veillée d'Auvergne était le chef de file des cinq associations ayant organisé au Sénat un dîner-débat sur le thème : " Les POMPIDOU intimes, art et poésie", durant lequel leur fils, Alain POMPIDOU, nous présenta les goûts littéraires et artistiques de ses parents et la création du Centre POMPIDOU.
Au cours de ces manifestations, différents aspects de G. POMPIDOU furent traités : l'Homme d'Etat, le capitaine d'Industries, le littéraire et normalien, l'Auvergnat.
Aujourd'hui, en cette félibrée 2019, c'est le "Président qui parlait en langue d'oc" que je veux évoquer.
Ses origines auvergnates
Cette faculté, il la doit avant tout à ses origines auvergnates. J'ai déjà, ici, expliqué que les Auvergnats parlent la langue d'oc à 70% , mais 100% en rural. Or, G. POMPIDOU est un pur auvergnat, doublement cantalien : cantalien du nord, de Montboudif, en Artense, par sa mère Marie-Louise CHAVAGNAC, cantalien du sud, de St Julien de Toursac, en Chataigneraie (entre Aurillac et Maurs) par son père Léon POMPIDOU. Il est né à Montboudif, le 5 juillet 1911, car en Auvergne, par tradition, on nait dans la maison de sa mère, ses parents étant instituteurs à Murat. Double origine paysanne, les CHAVAGNAC sont cultivateurs et marchands de toile, relativement aisés, les
POMPIDOU sont cultivateurs, castagniares, très pauvres paysans sans terre. Des deux côtés, on parle en langue d'oc, il en est de même de sa nourrice, Emilie COMBES, pouse ESTIEU, une paysanne du village de La Chevade, près de Murat, où il passe les 18 premiers mois de sa prime enfance. Chez les
POMPIDOU, on sait ce que c'est d'être paysan, au "cul des vaches", on sait ce qu'est le peuple, on saura bientôt ce qu'est l'ascenceur social. En effet, ses parents sont nommés professeurs à Albi en octobre 1911. Doué d'une intelligence remarquable, il fréquentera l'école primaire et le lycée d'Albi, puis l'hypokhâgne du lycée Fermat à Toulouse et enfin la khâgne du lycée Louis Le Grand à Paris. Il intègre Normale Sup Lettres dans les tout premiers et sera major de sa promotion à l'agrégation. Il débute sa carrière professionnelle, enseignant à Marseille tout d'abord puis au lycée Henri IV à Paris. C'est là qu'il va écrire sa fameuse anthologie de la poésie française qui m'a si souvent inspiré lors de nos veillées littéraires. Il passe ses vacances en Auvergne à St Julien de Toursac et surtout à Montboudif. Il y pratique le vélo dans ce pays où selon Alexandre Vialatte "il y a plus de montées que de descentes". Il y forge des amitiés auxquelles il restera fidèle toute sa vie. Lieutenant de réserve, il sera mobilisé sur la Somme en 1939-1940.
Sa carrière politique
C'est en 1944 qu'il entre au Cabinet du Général de Gaulle comme chargé de mission et que commence sa carrière politique entrecoupée d'un passage de 4 ans au groupe ROTHSHILD. En 1962, il succède à Michel DEBRÉ comme Premier Ministre. Il le restera six ans jusqu'en juillet 1968, présidant quatre gouvernements. A plusieurs reprises il va chercher l'onction populaire pour s'assurer la légitimité du suffrage universel. Déjà conseiller municipal à Cajarc, dans le Lot, c'est dans le pays où il est né, le Cantal, qu'il se présente comme Député. Député de S t Flour, par deux fois, en mars 1967 et en juin 1968 : "Je suis de là, mon nom est issu de cette terre, j'aime ce pays, j'ai choisi de le
représenter". En ces occasions, son ascendance cantalienne et paysanne, son côté peuple, sa bonhommie et sa langue d'oc vont faire merveille. A S t Flour, en ville basse, sur la place de la Liberté, devant ma maison familiale où se tient la foire aux bestiaux d'Aubrac, il serre des mains et des mains. "Commo anas moussur lu ministre". Il répond dans la langue de ses aieux, celle qui a accompagné son enfance : "Boiou pio, bous remerchi". Par deux fois les cantaliens vont accorder à l'élu de S t Flour des scores impressionnants. Toujours élu au premier tour, avec 62% des voix en 1967 et 80% en 1968.
Le 29 avril 1969, après l'échec du réferendum et la démission du Général de GAULLE, il annonce au pays sa candidature à l'élection présidentielle. Au premier tour, il arrive en tête des sept candidats avec 43,15% des suffrages. Au deuxième tour, le 15 juin 1969, il est élu avec 57,58% des suffrages exprimés face à Alain POHER. Dans l'arrondissement de S t Flour où il s'affirme "comme un paysan d'Auvergne, parlant à d'autres paysans" dans leur langue, il obtient 73,2% des suffrages au premier tour et 84,22% au deuxième tour. Devenu, en septembre 1969, le 19 ème Président de la République, il déclare au journal La Croix : "Auvergnat, donc occitan, je suis particulièrement sensible à tous les efforts qui sont consentis pour sauvegarder les traditions culturelles et linguistiques de nos provinces et pays". Victime d'une maladie incurable, il décède malheureusement le 2 avril 1974, avant la fin de son mandat.
Lettre à ma grand-mère, l'Auvergne
Je n'aurai garde d'oublier, pour illustrer mon propos, sa fameuse "lettre à ma grand-mère, l'Auvergne" citée par son biographe cantalien Joël FOUILLERON. C'est en effet, en langue d'oc, dans le journal sanflorain La Dépêche d'Auvergne, qu'en novembre 1963, G. POMPIDOU tint à réaffirmer l'authenticité de son origine cantalienne. Ce texte qu'il écrivit avec l'aide de son père Léon, l'ancien instituteur très féru d'occitan, illustre bien le rôle prépondérant que G. POMPIDOU attribuait à sa lignée, notamment féminine, pour la transmission de la langue et de la culture ancestrales. En voici un court extrait :
â lo mio mama,
Les efonts de l'Ouvergno que l'oun quitado se soubenon de la terro mairale touto lo bido, ieou
qu'ère pio pichonnet quand portiguère pel Miejour l'ai pas oublidado, è soui tournat souven
pesca pes rious è nada dins les lacs.
à ma grand-mère,
Les enfants de l'Auvergne qui l'ont quittée se souviennent de leur terre maternelle toute leur vie.
Moi qui étais assez jeune quand je partis pour le Midi, je ne l'ai pas oubliée et je suis revenu
souvent pêcher dans les ruisseaux et nager dans les lacs.
Pour conclure, j'espère vous avoir convaincu que Georges POMPIDOU, le Président de la
République le plus aimé des Français, parlait et pensait en langue d'oc, depuis que, dans une ferme de
La Chevade, sur les genoux de sa nourrice, c'est en Lengo Nostro qu'il avait balbutié ses premiers
mots. Faisant sienne, sa vie durant, la devise du poète cantalien, Arsène VERMENOUZE : "S'es d'un
crâne païs, efonts".
Roger Vidal