C'est avec un profond sentiment d'émotion que je viens ici rendre hommage à un grand joueur de Cabrette disparu : Christian Boissonnade. Le 5 janvier dernier, la mort l'a soudainement arraché à notre affection.
Christian Boissonnade c'était la gentillesse, le talent et la simplicité. Entre Christian, sa Cabrette et son accordéon, c'est une longue histoire d'amour..."Notre Cabrette est délicate à entendre et à jouer, j'ai essayé de la rendre "Elégante" et sensible à mes sentiments de traditions". C'est ainsi que Christian nous évoquait ses cinquante années de carrière.
Christian Boissonnade est né le 19 août 1936 à Vanves dans les Hauts-de-Seine. Originaire de Marvejols dans la Lozère, c'est en 1948 qu'il apprend à jouer de la Cabrette avec Paul Faye. Il débute avec la cabrette de son grand-père Etienne Boissonnade. Il joue sur un "39" en ivoire que son grand-père perça au tour à pied vers les années 1920 à Marvejols. Cette œuvre d'art est une pièce unique car Etienne n'a fabriqué que ce pied, sûrement avec les conseils avisés de Joseph Costeroste et Gasparoux avec lesquels il jouait à l'époque. Un peu plus tard, sur les conseils de Paul Faye, il acheta un "42 Amadieu" chez Martin Cayla.
Ses premiers pas dans le folklore sont avec Mme Marie Lagriffoul et l'accordéoniste maître de danses Lucien Salesse du groupe "Pastres et Pastretos". Puis, il joue avec plusieurs groupes, tour à tour il intègre "la Yoyette", les Corréziens de Paris, Lou Cabrettaire, le groupe de Lille, etc. Il intègre le mouvement des accordéonistes et orchestres des amicales parisiennes et en Lozère. Il joue son premier bal à Marvejols avec Germain Cros et Rascoussier puis accompagne au pays Jean Pons, Marcel Pelat, Pierre Roux, Ernest Jaillet, Rémi Remise etc. A Paris, c'est une suite de partages avec Georges Garrigoux, Emile Gineston André Thivet, Joseph Aigueperse, Georges Soule, Adrien Bras, etc.
En 1956, il est un des membres fondateurs de l'association "Cabrettes et Cabrettaïres" aux côtés de Jacques Berthier, Georges Soule, Roger Aldebert, Jean-Louis Fournier et Marcel Marginier. Il occupe le poste de Trésorier. Cette même année, le soldat Boissonnade part pour l'Algérie.
Il rentre au mois de janvier 1960 et reprend, avec son père, à Malakoff, le métier de "Layetier" puis petit à petit s'ajoute un deuxième métier, celui de musicien. En 1962, après le décès de Georges Cantournet, Christian est appelé par Jean Cambon et partage une dizaine d'années avec lui sur les routes de France. En 1966, ce sont les concerts PACRA, puis suivent les "Tournées Avèze" sous chapiteau en Auvergne et les Chovergnats au Bataclan. Avec Jean Cambon, ils connaissent leurs meilleurs succès en public avec la chanson mimée "Le Train Bonnet". Jean Cambon chante cette chanson assis sur le dos d'une chaise avec comme accessoires : un parapluie et un panier à provision (de bouche). Lorsqu'il ouvre ce panier, il se demande toujours ce qu'il va en sortir ! Un jour son morceau de pain frais était remplacé par une croûte, la saucisse sèche par du boudin ou bien encore le vin par du vinaigre ! Un soir de concert PACRA, on lui subtilise son casse-croûte pour le remplacer par un petit chat qui, toutes griffes dehors bondit hors du panier le faisant chuter de sa chaise tandis que Christian lance des coulisses un tonitruent "St Flour tout le monde descend!".
Christian Boissonnade est devenu, alors, en quelques années le plus célèbre de nos Cabrettaïres. En 1972, Enrico Macias vient de créer une nouvelle chanson "J'irai jusqu'en Auvergne", il fait appel à Christian pour qu'il joue de la cabrette dans son disque. On le retrouve à la télévision à côté du célèbre chanteur, notamment à "Midi-Magazine", "Télé-Dimanche", "Cadet-Rouselle". Puis, il se présente sur scène pendant un mois à l'Olympia avec Enrico Macias, faisant entrer d'un seul coup l'Auvergne et la Cabrette dans notre plus grand music-hall ! Et la route continue avec son orchestre. On entend pour la première fois la cabrette dans un générique télé "les Jeux de 20h", et c'est Christian qui est sollicité avec sa Cabrette.
De 1986 à 1994, il anime des émissions d'accordéon sur "Radio Montmartre" puis des Thé-dansants retransmis en direct avec Raymond Marcillac et Pascal Sevrant. Il participe à des émissions de radio et de télévision avec Danielle Gilbert, Jacques Martin, Jo Bazelli, Jacqueline Huet, le Grand Echéquier avec Fernand Raynaud et Marcel Marginier, France Inter, etc. Puis c'est le cinéma avec "Le Guépiaud" avec Bernard Fresson, "Le nez d'un notaire" avec Pierre Cécaldi, le feuilleton "Le Procope" et les films de Pierre Bellemare et Annie Cordy.
Christian a enregistré trois albums "Christian Boissonnade sa Cabrette et son Accordéon", "Eternelle Cabrette" et "Les succès d'Auvergne". Lors de l'enregistrement, il se double à la cabrette et à l'accordéon. Précurseur, c'est l'un des premiers à avoir réalisé cette technique. Il participe aussi à de nombreux enregistrements qui ont contribué à sa notoriété. Après 1966, il enregistre bien sûr avec Jean Cambon mais aussi avec Jean Ségurel, Robert Monédière et Gérard Delord. Il participe également à l'enregistrement du dernier 33 Tours de Jean Vaissade "Une opérette", "La Belle Auvergnate" gravé en Belgique. Puis, son dernier 45 Tours avec la fameuse "Vallée du Bès".
Avec Christian Boissonnade, nous avons découvert un nouveau souffle musical, une nouvelle philosophie de la Cabrette, sa grelottière aux pieds et la jambe levée qui a contribué à assurer son succès. Et comme il aime à le dire, "Je ne joue pas sur un pied, mais sur deux!..."
Comme beaucoup de Cabrettaïres, aujourd’hui, j'ai perdu un morceau de ma vie. Tu resteras toujours dans nos cœurs, même si on ne se voyait pas aussi souvent que l'on aurait souhaité, une pensée pour toi, quelques minutes, le temps pour moi de remonter le temps.... En ces circonstances douloureuses, je tiens à exprimer, au nom de l'association Cabrettes et Cabrettaïres, de son président et de tous ses adhérents, nos condoléances les plus sincères et notre solidarité dans la peine.
Victor Laroussinie