Comme au bon vieux temps, faites sauter les BOURRIOLS !
Les champs de blé noir se font assez rares dans nos départements, mais la culture du sarrasin se maintient encore dans plusieurs contrées, notamment en Corrèze et en Aveyron mais surtout en Bretagne où il retrouve aujourd’hui ses lettres de noblesse.
Le blé noir, ou sarrasin, n'est pas un blé, et la plante, vue de loin, n'a rien de très sombre, puisque ce sont des petites fleurs blanches qui ornent les champs en période de floraison. Les graines, en revanche, sont d'une belle couleur foncée.
Au Moyen âge, on désignait sous le nom de Sarrasins les peuples musulmans des bords de la Méditerranée, composés principalement d'Arabes et de Berbères. Ils ont dévastés, incendiés et dépeuplés le Rouergue, le Gévaudan, le Velay et l'Auvergne méridionale pendant près de trois siècles d'incursions!
Qui n'a jamais mangé ces délicieuses crêpes confectionnées dans le "cantou" sur un ardent feu de bois ? Dans le Cantal, on les appelle "bourriols", en Corrèze, "tourtous", "pascade" en Aveyron.
Chaude au beurre ou dégustées froides avec de la confiture pour le dessert ou, mieux encore, servies en guise de pain pour accommoder un bon civet de lièvre, ces crêpes sont un vrai régal et l'une des meilleures spécialités du Massif Central.
En voici la recette :
Pour 20 crêpes environ, un bon kilo de farine de blé noir que l'on délaye avec de l'eau dans le "gerlou" – petite gerle en bois – de manière à obtenir une pâte assez épaisse (plus consistante que la pâte à crêpes ordinaire). Mais la vraie recette c'est avec du petit lait. Pour obtenir du petit lait : il faut faire cailler du lait cru et recueillir l'eau qui s'égoutte du caillé. On aura pris soin auparavant de dissoudre 10 grammes de levure du boulanger dans cette pâte afin de bien faire lever celle-ci.
Attendre deux heures pour laisser reposer la pâte, et les confectionner dans une poêle bien graissé auparavant. Les crêpes doivent être légèrement épaisses.
Si l'on veut en faire pour le lendemain, laisser dans le "gerlou" un peu de pâte qui servira de levain.
Je vois encore ma grand-mère maintenir la poêle en acier, noir comme du charbon, d'une main à l'aide d'un chiffon pour ne pas se brûler, l'incliner et de l'autre main verser la pâte qui se répand. La pâte onctueuse parcourt la poêle jusqu'à se répartir sur toute sa surface. Cette opération nécessite beaucoup de calme et d'adresse!
La pâte cuit, de petites bulles se forment, éclatent autant de petits trous qui dentellent le bourriol, son pourtour que ma grand-mère décolle avec un couteau se recroqueville. A deux ou trois reprises, elle frappe légèrement la poêle, le bourriol glisse un peu…il n'a pas attaché. La face cuite, se ride comme la peau d'une vielle pomme de terre, devient dorée, piquetée de petits points gris et noirs, la fumée des bûches de chêne voile d'un gris bleu le cantou, pique les yeux…embaume la maison et imprègne les habits…
A nouveau, ma grand-mère secoue la poêle, le bourriol se déplace ; saisissant la palette, elle la glisse sous le bourriol puis la transporte chaude et fumante sur un linge épais qui recouvre un coin de la grande table. C'est la première, elle n'est pas toujours parfaite, parois elle attache ou bien la poêle n'est pas assez chaude, mais honneur aux invités !
Tartinez-les avec de la confiture ou de miel, mais aussi du fromage, Laguiole, bleu d'auvergne, Cantal… vous pouvez les fourrer avec du jambon cru, du magret, des salades, thon, tomates, feuilles vertes, etc.
Bon appétit !